Par Florence Renucci, directrice adjointe du GIP Mission de recherche Droit et Justice

Le GIP « Université numérique juridique francophone » est l’un des piliers du « Portail universitaire du droit » (http://www.univ-droit.fr/index.php). Il a pour objectif de mettre à disposition des cours de droit en ligne sur internet pour les étudiants, appelés communément des « MOOC » (Massiv Open Online Courses), qui leur permettent de se former.

Pourquoi faire figurer cette initiative dans la lettre de la Mission de recherche Droit et Justice ? Simplement parce que pour la première fois, un cours d’histoire du droit colonial est disponible et que ce cours a vocation à intéresser outre le public estudiantin, des chercheurs, voire des magistrats.

Les chercheurs qui étudient l’histoire coloniale, et plus généralement l’Outre-mer, auront en effet le plus grand mal à trouver une synthèse récente d’histoire du droit colonial (à l’exception de celle de B. Durand qui vient de sortir chez Economica, mais qui s’apparente davantage à un traité). Ce cours leur facilitera donc la tâche en leur donnant un aperçu d’ensemble du droit colonial et de ses acteurs, ainsi que des orientations bibliographiques actuelles sur les travaux en cours dans ce domaine très dynamique.

Les magistrats qui s’intéressent à l’Outre-mer, aux droits contemporains des états anciennement colonisés, au pluralisme juridique, ou encore à des questions qui se posent aujourd’hui en Europe et au-delà, comme les frontières du droit et de la religion, trouveront dans ce cours des éléments de connaissances et de réflexion.

En effet, en s’extrayant ici de considérations morales, on observe que l’histoire du droit colonial permet de mieux comprendre les fondements et l’organisation des droits nationaux, en particulier en Afrique, comme le montre l’exemple du Code du Travail des territoires d’Outre-mer et ses héritages. Il met en évidence le rôle fondamental du juge dans la connaissance et la construction du droit, tels que les efforts de traduction et de codification de normes plus ou moins éloignées de l’esprit du droit français. Il fait ainsi écho aux problématiques qui se posent encore actuellement Outre-mer, comme, par exemple, en Nouvelle-Calédonie. Le droit colonial est aussi riche d’enseignements : il nous permet de mieux comprendre certains préjugés qu’il a contribué à enraciner. Il a enfin un aspect prospectif car il a pu jouer un rôle de « laboratoire juridique » ou « d’anticipation du droit » dans la mesure où des réformes ont été testées ou appliquées Outre-mer bien avant de l’être en France métropolitaine. Les exemples sont extrêmement divers : prémices des travaux d’intérêts généraux (mais avec des objectifs très différents), question des carrés religieux spécifiques dans les cimetières, professionnalisation des juges de paix, rapports entre biologie et droit, etc.

Ce cours d’histoire du droit colonial qui a vocation à être actualisé et à continuer de s’enrichir, a été réalisé par Martine Fabre (CNRS), Eric De mari (Université de Montpellier 1) et Florence Renucci (CNRS/Gip Mission de recherche Droit et Justice). Il nécessite de s’inscrire en ligne sur le site de l’UNJF pour y accéder.

Nota bene : Précisons dans la lignée de cet article, que le Gip Mission de recherche Droit et Justice a financé en 2003 une recherche sur la Nouvelle Calédonie et en soutient actuellement deux autres. La première de ces recherches sous la direction d’A. Bensa et C. Salomon (achevée en 2003) portait sur « Les Kanaks face à l’appareil judiciaire en Nouvelle Calédonie ». Elle est consultable en ligne, sur le site de la Mission (http://www.gip-recherche-justice.fr/publication/les-kanaks-et-linstitution-judiciaire-en-nouvelle-caldonie/). Plus récemment, Christine Demmer mène depuis 2013 un projet intitulé « ‘La coutume’ comme loi pour les Kanaks. Approche pragmatique d’un processus en cours » qui vise à s’interroger sur la nature et le sens de la coutume, ainsi que sur la défense du pluralisme juridique. Parallèlement, un second projet, mené par Etienne Cornut et Pascale Deumier (débuté lui aussi en 2013) a pour objectif de mieux comprendre ce qu’est le « droit coutumier kanak », notamment à travers l’analyse des décisions des juridictions et institutions coutumières.